L’amour maternel est une constante de la vie. Pour beaucoup d’entre nous, cette relation perdure à l’âge adulte, se manifestant souvent par des appels téléphoniques quotidiens. Est-ce une bonne chose ? Pourquoi tant de personnes ressentent-elles le besoin d’appeler leur mère si fréquemment ? Découvrez les témoignages et les éclairages de Gwenaelle Persiaux.
La relation mère-enfant est unique et complexe. Peu importe sa nature, ce lien reste souvent fort même lorsque l’enfant devient adulte. Pour certains, ce lien devient même plus fort, surtout quand ils deviennent eux-mêmes parents. Cependant, nos modes de vie actuels nous éloignent souvent géographiquement de nos parents, et le téléphone devient alors un outil essentiel pour combler cette distance. Certains utilisent ce moyen de communication chaque jour, parfois même plusieurs fois par jour, pour garder ce lien avec leur mère.
Maman, première confidente
Nombreux sont ceux qui voient leur mère comme une confidente privilégiée. Que ce soit des soucis professionnels ou des questions de cœur, toutes les préoccupations sont partagées avec « maman ». Lola, par exemple, raconte : « Dès que j’ai eu un téléphone, j’ai toujours gardé le contact avec ma mère. On se fixait des rendez-vous, je lui racontais tout. C’est une présence constante ; je l’appelle dès que j’ai un moment, comme en faisant les courses. Sa présence me réconforte, je me sens en sécurité, sans crainte d’être jugée », dit-elle, évoquant une relation très fusionnelle.
Pedro, 33 ans, partage ce sentiment : « J’ai beaucoup bougé pour mon travail, on ne vivait pas à proximité, donc le téléphone a pris la place des conversations qu’on avait quand je vivais près d’elle. Ça me rassure de l’appeler, elle a toujours de bons conseils, et je sais que c’est important pour elle aussi. Si je ne l’appelle pas pendant quelques jours, elle m’envoie un petit message ‘ça va ?’ : c’est le signal pour rappeler », sourit-il.
Pour la psychologue Gwenaëlle Persiaux, ce comportement n’est pas inhabituel, mais elle invite à la prudence : « Dans ces cas, il y a des éléments normaux et d’autres à surveiller. Si l’habitude d’appeler la mère perdure, cela peut indiquer un manque d’autonomie ou une difficulté à s’affirmer en tant qu’adulte ou parent. En grandissant, nos principaux soutiens devraient être notre partenaire ou nos amis, surtout si l’on est parent. Une relation trop fusionnelle avec la mère peut créer des tensions au sein du couple, un déséquilibre », analyse-t-elle.
Retrouver un peu de son enfance
Une autre raison d’appeler sa mère est l’arrivée d’un enfant, qui peut renforcer le lien parent-enfant. Léa explique : « J’avais une bonne relation avec ma mère, mais j’avais pris mes distances. Mais en devenant maman, j’ai ressenti le besoin de la consulter plus souvent. C’était mon point de repère quand j’avais des questions sur mon nouveau rôle. »
Devenir parent réactive souvent la relation avec ses propres parents. Mathilde, par exemple, appelle sa mère dès qu’un enfant ou elle-même est malade. « Quand je ne me sens pas bien, j’appelle ma mère avant d’aller chez le médecin. Elle m’aide à distance, me rassure, même si je connais déjà les réponses, car je m’occupe de mes enfants. Ça me fait du bien de redevenir son enfant dans ces moments-là », admet Mathilde, maman de deux filles. « Je l’appelle aussi quand mes filles sont malades ou quand j’ai des questions sur elles, pour savoir si je dois m’inquiéter ou non. »
La psychologue explique ce phénomène par l’évolution des familles. « Être un jeune parent, c’est un véritable bouleversement. Avec nos vies modernes, souvent éloignées de nos parents pour des raisons professionnelles, cette distance accentue le stress de devenir parent. Le lien physique se transforme en lien téléphonique. Avant, c’était naturel de demander de l’aide. Il faut normaliser le fait de se faire aider, et souvent la mère est ce relais naturel. C’est un réflexe archaïque », explique-t-elle. « Cependant, dès que l’enfant atteint environ deux ans, il est crucial d’impliquer l’autre parent dans toutes les décisions. Il est essentiel de créer sa propre cellule familiale, composée des deux parents et de l’enfant. »
La mère, un point central dans la famille élargie
La mère joue souvent un rôle de point de référence au sein de la famille élargie : « J’ai deux sœurs et avec mes deux enfants, je n’ai pas toujours le temps d’appeler tout le monde. En période chargée, j’appelle ma mère pour avoir des nouvelles de toute la famille. Si je ne dois appeler qu’une seule personne, c’est elle, car elle a toutes les infos », raconte Nadège. « Avec le temps, on se voit moins souvent, donc la mère devient le lien central. C’est sain, mais il est aussi important de maintenir des relations avec ses frères et sœurs, indépendamment de la mère », souligne notre experte.
La professionnelle souligne également l’influence des cultures. « Les relations familiales varient selon les cultures. Dans les cultures latines, maghrébines ou certaines familles juives, la famille a une grande importance. On vit ensemble, on s’appelle, et si la distance s’installe, le téléphone prend le relais. Ces contextes culturels peuvent créer des tensions au sein de couples issus de milieux différents. »
Maintenir le lien et une relation privilégiée
Pour beaucoup d’adultes, garder un lien fort avec leurs parents est important, d’autant plus quand ceux-ci vieillissent. Clémence témoigne : « Quand j’ai quitté la maison pour mes études, ma mère m’appelait tous les jours, et je trouvais ça un peu étouffant. Aujourd’hui, en vieillissant, j’ai compris que ces petits moments de discussion, même de cinq minutes, lui faisaient plaisir et nous permettaient de rester proches. Je l’appelle donc par plaisir, pour moi autant que pour elle. » Marion, quant à elle, continue d’appeler sa mère presque tous les jours, mais reconnaît le faire pour de mauvaises raisons : « Je l’appelle pour éviter des conflits. Elle peut mal le prendre si je ne le fais pas. Je sais que ce n’est pas très sain, je pense qu’on a une relation toxique, mais c’est difficile de changer ça. Et puis, je ne veux pas regretter plus tard de ne pas avoir passé plus de temps avec elle. »
Gwenaëlle Persiaux conclut : « En devenant adultes, puis parents, notre famille se compose de notre conjoint et de nos enfants, formant ainsi ce qu’on appelle la famille nucléaire. Cela implique de s’éloigner de sa famille d’origine, ce qui peut être difficile pour ceux qui ont du mal à couper le cordon. Le besoin constant d’appeler sa mère peut indiquer une anxiété d’attachement. À l’âge adulte, la figure d’attachement doit devenir le partenaire, pas la mère. » En somme, appeler sa mère n’est pas une mauvaise chose, mais une relation trop fusionnelle peut être problématique. Il est important de s’émanciper et de construire sa propre famille.
Source: Magicmaman.com