Quand sa fille se retrouve seule à Noël à Shanghai, un père breton relève un défi fou
Jean-Marie Malle, originaire de Lorient, n’a pas supporté l’idée de laisser sa fille passer Noël seule à l’autre bout du monde. Incapable de prendre l’avion pour des raisons écologiques, il choisit de traverser l’Eurasie en train pour la retrouver à Shanghai. Une aventure humaine exceptionnelle, au cœur de l’hiver.
Noël loin des siens : un hiver pas comme les autres pour Louise
Pour la majorité des familles, Noël est synonyme de chaleur, de partage, de repas copieux et de retrouvailles. Mais pour Louise, 19 ans, les fêtes de 2025 s’annonçaient bien solitaires. Étudiante à l’Institut d’études politiques de Grenoble, elle est partie vivre une année d’échange universitaire en Chine, plus précisément à Shanghai.
Le problème ? En Chine, pas de vacances de Noël. Impossible donc de faire le voyage retour jusqu’en France. Elle se retrouve donc, malgré elle, à célébrer les fêtes à des milliers de kilomètres de sa famille. À Lorient, son père, Jean-Marie, ne peut s’y résoudre.
« Je ne voulais pas qu’elle passe Noël seule », explique-t-il au journal Ouest France. Mais prendre l’avion n’est pas une option pour lui. Cela fait cinq ans qu’il refuse de voler pour réduire son empreinte carbone. Alors, il décide de faire quelque chose d’inattendu : traverser l’Europe et l’Asie en train pour aller la rejoindre.
Un périple de 14 000 km : 12 jours de voyage à travers l’Eurasie

Malgré les inquiétudes de son entourage, Jean-Marie reste déterminé. Il se renseigne, planifie, et confirme que le voyage est encore possible, même à l’époque où les vols long-courriers sont devenus la norme.
Il commence par une portion assez classique : Lorient → Paris → Berlin → Varsovie. Mais très vite, l’aventure prend une autre tournure. Il embarque ensuite pour Brest… en Biélorussie, puis direction Moscou. Là, il monte à bord de l’un des trains les plus mythiques au monde : le Transsibérien.
Ce train légendaire, qui parcourt près de 10 000 kilomètres et traverse pas moins de sept fuseaux horaires, relie l’Europe à l’Asie. C’est une immersion totale dans une autre époque, où le rythme se fait lent et les paysages immenses.
Les passages de frontières sont les moments les plus délicats. « Les douanes, c’était le plus stressant », se souvient-il. Les règles de visa entre la Biélorussie et la Russie ont changé récemment, mais pas tous les agents sont au courant. Il essuie quelques refus, jusqu’à ce que des appels et vérifications finissent par débloquer la situation. Chaque poste de contrôle franchi devient alors une victoire en soi.
Une fois installé à bord du Transsibérien, Jean-Marie partage une petite cabine de quatre mètres carrés avec d’autres voyageurs. Le confort est sommaire : un lit, des toilettes communes, des wagons surchauffés. À l’extérieur, c’est un autre monde : la température chute jusqu’à –33 °C.
Un Noël inoubliable à Shanghai avec sa fille

Contre toute attente, le trajet devient une parenthèse bienvenue. « Je pensais que j’allais m’ennuyer, mais pas du tout », raconte Jean-Marie. Le rythme lent du train, l’absence d’obligations, les discussions avec les passagers, tout cela transforme le voyage en une expérience méditative.
À travers la fenêtre, défilent les paysages gelés de Sibérie. Dans les couloirs, des seaux de charbon brûlent pour empêcher les portes de geler. À chaque arrêt, les mécaniciens frappent les essieux pour éviter qu’ils ne se figent sous le froid. La logistique est impressionnante, et montre la rudesse des terres traversées.
Enfin, le 19 décembre à 22 h, Jean-Marie arrive à Shanghai. Après 12 jours et 14 000 kilomètres, il retrouve sa fille. Les retrouvailles sont chargées d’émotion. Quelques jours plus tard, le reste de la famille les rejoint en avion pour passer Noël ensemble.
Dans la valise de Jean-Marie, un symbole fort : un pain au chocolat français. Une petite douceur pour rappeler à Louise le goût de la maison. Mais derrière ce geste tendre, il y a aussi un message fort.
Jean-Marie assume totalement la dimension écologique de son périple. « Je voulais prouver qu’on peut encore voyager loin sans prendre l’avion », explique-t-il. Le voyage lui a coûté environ 900 euros, dont 715 € pour les billets de train. Et surtout, il n’a généré qu’environ 500 kg de CO₂ – une fraction des 2 à 5 tonnes qu’un vol génère sur le même trajet.
Pour le retour, par manque de temps, il prendra l’avion. Mais pour lui, l’essentiel est ailleurs : avoir prouvé que l’amour d’un père n’a pas de frontières – même à travers un continent entier.
