Ce soir-là, Sylvia reçoit la visite de son ex-compagnon, Samir M., un homme au passé violent. La discussion dégénère, les coups pleuvent. Si violemment qu’elle finit par appeler les secours, paniquée et à bout de souffle. Une première intervention a lieu, mais elle ne sera pas suivie d’effet. Après leur départ, plus personne ne répondra à ses appels. Quelques heures plus tard, Sylvia meurt seule, dans l’indifférence générale.
Une information judiciaire a été ouverte contre X pour « non-assistance à personne en danger », comme l’ont rapporté nos confrères de La Dépêche. Derrière ce drame, une question dérange : comment une femme peut-elle mourir après avoir appelé neuf fois les secours sans que personne ne vienne ?
Sylvia laisse derrière elle deux enfants, un père brisé, et une famille qui avait toujours redouté le pire. Son père, Pierre, confie avoir « toujours eu peur de Samir ». Les faits, tragiquement, lui donneront raison. L’agresseur a depuis été mis en examen pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Une femme battue victime d’une première intervention des secours insuffisante
Après le départ de son agresseur, Sylvia, encore consciente, ressent les premières conséquences du passage à tabac. Elle souffre de douleurs abdominales intenses et d’un mal de tête oppressant. Elle appelle immédiatement les secours. Pompiers et policiers interviennent rapidement, évaluent la situation, et lui proposent une hospitalisation. Elle refuse, pensant que ses blessures sont légères. Elle préfère rester chez elle pour porter plainte le lendemain.
Les secours repartent, convaincus qu’il n’y a pas d’urgence vitale. Pourtant, dans les heures qui suivent, son état s’aggrave brutalement. Sa respiration devient difficile, elle ressent une forte fatigue, des vertiges. À ce moment-là, Sylvia comprend que quelque chose ne va pas. Elle rappelle les secours pour demander à être transportée à l’hôpital. Mais cette fois, personne ne viendra.
C’est ici que tout bascule : ce second appel, ignoré, marquera le début d’une longue agonie. Sylvia s’accroche à son téléphone, espérant qu’on l’écoute enfin. Mais sa détresse, pourtant évidente, n’est pas prise au sérieux.
La mère de famille grièvement blessée passe neuf appels au 18 en quatre heures
Au fil des heures, Sylvia sombre. Ses organes internes sont touchés, elle souffre d’un éclatement de la rate provoquant une hémorragie interne. Sa voix, enregistrée dans les appels, témoigne d’une peur viscérale : « Je me sens partir, aidez-moi ». En quatre heures, elle compose neuf fois le 18. Neuf appels désespérés, restés sans réponse concrète.
« Elle disait qu’elle se faisait dessus, qu’elle était en train de mourir », racontera plus tard sa mère. À l’autre bout du fil, certains opérateurs la prennent pour une déséquilibrée. D’autres lui répondent avec agacement. Aucun ne remettra en cause le premier diagnostic. Aucun ne se déplacera.
« Ils lui ont dit qu’ils étaient déjà venus. Elle s’est retrouvée seule et s’est vue mourir », confiera son frère. Ces mots glaçants traduisent une réalité insoutenable : celle d’une femme qui meurt sous les yeux d’un système censé la protéger.

Les différents interlocuteurs de Sylvia n’ont pas pris sa détresse au sérieux, y voyant un trouble psychologique.
Sylvia meurt seule sur son balcon en se vidant de son sang
L’enquête a révélé des échanges téléphoniques d’une froideur sidérante. À un moment, un opérateur du SDIS 13 lui demande si elle « plaisante ». Un autre ironise : « Il fallait y penser avant ». Ces phrases, inhumaines, résonnent aujourd’hui comme des gifles. Pendant plus d’une heure, Sylvia continue à supplier qu’on vienne la sauver.
Un médecin du Samu lui conseille de « prendre un taxi » ou « d’appeler quelqu’un pour l’emmener aux urgences ». La quadragénaire, au bord de l’inconscience, n’aura même pas le temps de répondre avant qu’on lui raccroche au nez. À force d’appeler, elle finit par agacer : « On est venu une fois, vous croyez qu’on est des taxis ? », lui lancera un autre opérateur.
Transférée à nouveau vers le Samu, Sylvia tente de s’expliquer une dernière fois : « Je perds du sang, je crois que je vais mourir ». Son interlocuteur la raille : « Vous allez mourir parce que vous vous faites dessus ? Ah d’accord, madame, il va falloir consulter un psychiatre ». Ce sera sa dernière phrase. Le lendemain matin, une voisine découvrira son corps sans vie, sur le balcon, baignant dans une mare de sang.
Sylvia est morte seule, après neuf appels ignorés. Une tragédie qui met en lumière une fois de plus les défaillances institutionnelles face aux violences conjugales. Une mort silencieuse, qui devrait pourtant résonner comme un cri d’alarme pour toute la société.