À 20 km de Lille, Ophélie, 38 ans, vit entourée de bébés reborn : un quotidien entre tendresse et débats
Sur son canapé, trois petits bonnets blancs brodés de prénoms, des hochets soigneusement posés, des doudous à portée de main.
Germain semble timide, Claude arbore un sourire, Marie affiche une mine malicieuse. Une scène douce, presque ordinaire… jusqu’à ce qu’on réalise que ces bébés ne respirent pas.

Leur peau est faite de silicone, leurs doigts restent immobiles. Ce ne sont pas des enfants, mais des poupées reborn ultra-réalistes qui ressemblent à s’y méprendre à de vrais nouveau-nés.
À seulement 20 kilomètres de Lille, côté belge, vit Ophélie, 38 ans, confrontée à l’infertilité. Pour apaiser ce manque, elle a “adopté” trois bébés reborn qu’elle chérit comme une fratrie.
Leur réalisme fascine autant qu’il dérange. Et le mode de vie qu’elle a créé autour d’eux ne laisse personne indifférent.
Ophélie, ses bébés reborn et un choix assumé entre fiction et réalité

Ophélie ne cherche pas à tromper qui que ce soit. “Ce sont des morceaux de plastique”, affirme-t-elle dans un entretien au Parisien.
Pourtant, tout est là : des prénoms soigneusement choisis, des chaussons tricotés, une nurserie aménagée à domicile.
Elle reste lucide, et c’est ce réalisme qu’elle revendique. C’est pour elle une façon de vivre une forme de maternité malgré les épreuves.
“Ils ne sont pas réels, mais je les aime comme mes enfants”, confie-t-elle. Cet entre-deux lui apporte une paix intérieure.
Les poupées reborn, avec leurs cheveux implantés un par un et leurs veines finement peintes, peuvent coûter de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros.
Certaines les collectionnent, d’autres s’en servent comme support affectif ou thérapeutique.
Polémiques, usage thérapeutique et débats sur les bébés reborn
Sur TikTok, les vidéos de “mamans reborn” se multiplient. On les voit avec poussettes, biberons, sièges auto, parfois même en pleine séance de shopping.
“Elles ont été adorables, pas un bruit”, plaisante Ophélie dans une vidéo relayée par le magazine ELLE.
Dans les profils, un avertissement revient souvent : “Tout est mis en scène, ne croyez pas que c’est réel”, précise @passionhonorine.
Mais les critiques fusent lorsque ces pratiques débordent dans l’espace public. Une table à langer occupée par une poupée, une balançoire réservée à un reborn…
“On a déjà du mal à faire de la place pour les vrais bébés, alors pour des poupées…”, tacle une internaute.
Certaines créatrices poussent même l’idée jusqu’à proposer une “crèche pour bébés reborn”, promettant un accueil idéal pour ces poupées.
Les professionnels de santé, eux, gardent leurs distances. Valérie Denis, thérapeute spécialisée dans le deuil périnatal, avoue un malaise face à certaines vidéos.
Elle rappelle cependant l’efficacité de la doll therapy en gériatrie : les poupées apaisent, aident à dormir et stimulent la production d’ocytocine,
l’hormone de l’attachement. Mais dans le contexte du deuil périnatal, elle reste réservée : “Ce deuil est particulier, il brise un rêve parental.”
“L’histoire qu’on s’était imaginée avec cet enfant n’existera jamais. Le reborn prolonge ce rêve, mais ralentit le processus du deuil.
Ça apaise en surface, mais ça peut bloquer la vraie guérison”, ajoute-t-elle. Pour elle, traverser un deuil demande du temps, un accompagnement et de la patience.
La psychologue brésilienne Desirée Casado met en lumière un double standard : “Quand un homme adulte joue aux jeux vidéo ou collectionne des figurines,
c’est un loisir. Mais qu’une femme adulte prenne soin d’une poupée, et tout de suite, on parle de trouble psychologique.”
Au Brésil, le sujet a pris de l’ampleur : certains projets de loi envisagent un accompagnement psychologique pour les parents de reborn,
voire des sanctions en cas d’abus ou d’avantages indus. En France, le phénomène reste surtout confiné aux réseaux sociaux,
alimenté par les mises en scène et les débats qu’elles suscitent.
